Fév. 2006 / GUITARIST ACOUSTIC N°8 / Brassens et Favino - Par Max Robin
En 1956, Brassens, envoyé par le chansonnier Jacques Grello, débarque chez Jacques Favino, pour remplacer la guitare qu'on lui a fauchée ("une grosse classique montée en acier, avec un cordier en plus du chevalet"). Jacques fabrique aussitôt le moule nécessaire. C'est le début d'une longue collaboration entre les deux hommes ("il était faiseur de chansons comme on était faiseurs de guitare", précise Jean-Pierre Favino). Une douzaine d'instruments en sortiront, Brassens les achetant souvent par deux (il n'était pas rare qu'il en fasse bénéficier les amis).
Au point de vue lutherie, la spécificité du modèle "Brassens" tient à la combinaison de deux travaux mécaniques, afin de répartir la tension (quasi doublée) due à l'emploi des cordes Argentine ? sans pour autant brider la table à l'aide d'un barrage trop fort: la pression, exercée grâce au cordier, soulage en partie la torsion transmise par le chevalet. Ce caractére "hybride" explique dans une large mesure le timbre bien connu de l'instrument, cette sonorité tellement repérable sur les disques, mélange de rondeur et d'acidité, de chaleur et de scintillement. Seule la décoration de rosace variera selon les époques, les bois demeurant; quant à eux tout à fait standards (on note le choix de l'érable pour le manche). De temps en temps, Brassens montait les trois basses en nylon, ce qui avait pour effet d'accentuer encore le contraste entre graves et aigus. Pour Jean-Pierre Favino, qui a fabriqué trois des instruments destinés au chanteur, ce modèle "reste à découvrir", en particulier pour sa polyvalence (folk, jazz, classique...). Puis d'enchaîner sur "l'anecdote des barrettes": pour ne pas "déranger" Favino, Brassens, qui avait parfois certaines barrettes usées en haut du manche, prenait celles du bas pour les retaper en haut !
Ce qui explique l'état des guitares sur certains clichés pris à Bobino... Enfin, autre anecdote connue, celle de la "râpe": Brassens donnait un "coup de râpe" derrière le manche pour se constituer un repère tactile à un endroit donné, qui lui permettait de ne pas rater l'accord !
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