Janv. 98 / Guitariste Acoustik - Le luthier Jean-pierre Favino, interview Olivier Garcia
Entre tradition et innovation, Jean-Pierre Favino maintient le nom comme la passion que lui a transmise son père au plus haut niveau. De Brassens à Raphaël Fays, du Tokyo Hot Club Band à Doc Watson, entretien avec un maître.
- Tu as évidemment débuté dans l'atelier paternel, la passion s'attrape alors ?
Oui cela s'attrape. J'ai mis les mains dedans à partir de 16 ans, j'allais à l'atelier dès que l'école et les sorties m'en laissaient le temps. Classiques, jazz ou folk, quand un guitariste voulait quelque chose de particulier, il venait chez Favino. Cela me plaisait, mon père a même fait une guitare à cordes sympathiques avec manche creux a cœur, comme un sitar
- Quelles ont été tes premières réalisations personnelles ?
Je me suis d'abord intéressé aux guitares classiques et au folk, parce que j'en jouais, puis aux jazz qui exigent la main. La maison a fait les premières 6 et 12 cordes folks en France. J'ai continué dans la veine de cette tradition, différente des modèles américains, avec un barrage en éventail plutôt qu'en X, qui, pour moi, produit des instruments moins équilibrés sonnant surtout les mediums. Mon apport, c'est la combinaison moitié X moitié éventail
- Tu es porteur d'une tradition de guitares jazz que tu as fait évoluer aussi…
Doucement, car les gents s'attachent aux traditions. La construction d'une guitare jazz est particulière : la table étant bombée, le niveau des échancrures est plus haut que les extrémités dans la plus grande largeur, L'angle de renversement du manche vers l'arrière exige une façon spéciale de dresser les éclisses et le talon. Des guitares à faire une par une, pour avoir ce rendu particulier.
- Outre cela, quelles sont tes principales différences avec un fabricant en série haut de gamme ?
Je sais pour qui je fabrique, et pourquoi.
- Utilise-tu des barrages allégés ?
Cela dépend des demandes. Si le guitariste désire plus d'aigus, la table doit être un peu plus durcie. S'il veut beaucoup de basses, J'allège modérément car l'instrument ne doit pas résonner comme un tonneau, il doit chanter. L'équilibre se trouve aussi dans les essences : une table en cèdre ou en séquoia pour que la guitare sonne tout de suite, en épicéa si l'on peut passer un ou deux ans à la " faire ". L'épicéa a une meilleure tenue mécanique et sonore dans la durée. J'emploi des bois d'en moyenne 20 ans, au minimum 15 ans.
- Combien de guitares fais-tu par an ?
Moins de 20.
- Quelle est ta fourchette de prix ?
J'ai une petite jazz, la Princesse, qui démarre ma gamme à 12000 Frs. La moyenne tourne autour de 25000 Frs et monte jusqu'à 31000 Frs.
Le conseil de Jean-Pierre Favino
Achetez un hygromètre pour 200 Frs chez un opticien. Si chez vous, il affiche 55-65 degrés hygrométriques, tout baigne. En dessous, humidifiez en plaçant des saturateurs sur vos moyens de chauffage. Au dessus, desséchez en supprimant les évaporations et en aérant.
Merci pour elle.